Le premier confinement de 2020, après bien des angoisses, a permis certaines surprises heureuses. Le sens de la responsabilité individuelle des salariés restés chez eux en a été une. En effet, les enquêtes montrent qu’ils ont plutôt trop travaillé que pas assez. Cet événement est fondateur concernant l’ouverture du travail vers des modalités nouvelles.

On peut y lire avant toute l’autonomie imposée par la révolution digitale, sur le modèle, par exemple de l’auto-gestion par chacun de sa santé : depuis la prévention jusqu’à la prise de rendez-vous en ligne. De manière plus profonde et plus émotionnelle, l’extension du domaine de la responsabilité individuelle dans l’entreprise rappelle la racine du mot.

Qu’est-ce que la Responsabilité au sens premier ? Respondere en latin, ce n’est pas être coupable, c’est « répondre de ses actes ». Il s’agit de donner une réponse à un Autre, présent ou non. Dans la société féodale, fondée sur la loyauté, deux personnes qui contractaient pour louer un terrain, étaient dites responsables l’une « à » l’autre.

Deuxième élément essentiel : le futur pointe dans le présent. Les deux personnes responsables s’engageaient dans la durée, l’une à payer, l’autre à ne pas reprendre son champ de manière autoritaire avant le terme.

Notre mémoire culturelle garde ces deux traces. Il n’y a pas de responsabilité sans altérité ni sans promesse commune par rapport à l’avenir. Le salarié est responsable si l’entreprise l’est aussi. Et vice versa.

Signé : Mariette Darrigrand

Mariette Darrigand

Mariette Darrigrand est sémiologue et auteur de livres sur le langage contemporain. Elle dirige le cabinet Des Faits et Signes, spécialisé dans l’analyse du discours médiatique et anime le blog L’Observatoire des mots. Intervenante médias, elle enseigne la sémiologie du Livre à l’Université Sorbonne-Paris-Nord.