Le sociologue des organisations François Dupuy a mené une étude en 2020 sur les conséquences du confinement sur le travail des salariés et l’organisation des entreprises. Il nous livre son analyse des changements, risques et opportunités liés à l’hybridation du travail.

 

Quel est l’impact du travail à distance sur l’organisation du travail et le management ?

François Dupuy : Des trois niveaux de management que nous sommes allés observer pendant le confinement (management de proximité, management intermédiaire et management central), c’est l’encadrement de proximité qui est sorti renforcé de la crise sanitaire. Pour gérer cette période au quotidien, il s’est affranchi des règles émises par l’organisation qui auraient rendu difficile la poursuite de l’activité. Cette « désobéissance organisationnelle » questionne les dirigeants sur la nécessité de maintenir ces règles à l’avenir. Les salariés, quant à eux, ont redécouvert l’autonomie. Grâce à ce « temps retrouvé » ils se sont rendu compte qu’ils n’avaient pas besoin qu’on réglemente leur travail avec autant de détails que précédemment. C’est une transformation extrêmement forte qui risque d’avoir des conséquences importantes sur l’organisation des entreprises.

Quels sont les principaux enjeux que posent l’hybridation ?

F. D. : La vraie question que pose l’hybridation est celle de la simplification du travail. La période du confinement a montré avec la désobéissance organisationnelle qu’il était nécessaire de s’abstraire de process inutiles qui rendaient difficile l’exercice de son activité. On peut supposer dès lors que nous allons assister à une simplification du travail qui sera extraordinairement bienvenue et bien perçue par les salariés.

Comment préserver le lien social dans ce contexte d’hybridation ?

F. D. : On le voit bien, le télétravail tue l’informel. Les salariés sont très conscients de l’importance du lien social et sont généralement favorables à une répartition équilibrée entre distanciel et présentiel. Pendant le confinement, ils ont d’ailleurs contribué à préserver cet informel en créant des groupes affinitaires d’entraide sur Whatsapp, en parallèle des collectifs de travail.

En quoi l’hybridation peut-elle être une opportunité pour le collectif ?

F. D. : Les entreprises cherchent à instaurer la confiance depuis des années sans savoir comment s’y prendre. Les situations vécues dans le contexte de la crise sanitaire ont exigé une confiance absolue, que ce soit des entreprises vis à vis de leur encadrement ou des salariés vis à vis de leurs managers. Finalement, il est probable pour les entreprises, que cette pandémie ait été un tremplin bénéfique vers un nouveau grand défi, celui de la confiance.

Signé : Ariane Dubois

François Dupuy

François Dupuy

Né en 1947, François Dupuy se forme à la recherche et à la sociologie à la Sorbonne, à l’IEP de Paris et au CFJ. Après avoir quitté le CNRS en tant que chercheur, il fonde son propre cabinet de conseil ou il fait appel à de nombreux sociologues.
Il forme à son tour des étudiants dans de nombreuses écoles dans le monde et commence à écrire plusieurs ouvrages sur la bureaucratie à partie de 1995, sur le changement et le management dans les entreprises et les institutions. En 2015 il est fait chevalier de la Légion d’Honneur.