Il fut un temps où le mot « collaborer » signifiait trahison et pacte avec l’ennemi. Aujourd’hui, collaborer représente la manière la plus intelligente et la plus généreuse de produire. Le retour à l’étymologie explique ce retournement positif. Cum laborare signifie « travailler ensemble ». Autrement dit : participer à un labeur qui peut être dur mais qui, grâce à l’énergie collective, s’allège. Notre société si individualiste redécouvre la reliance quand elle est une ouverture à l’Autre. Le « avec » – cum est un préfixe en vogue : conversation, connexion, collégialité…

Le mode collaboratif – et non la collaboration -, réinvente le travail en lui donnant un but précis : tel projet, tel objet, seront produits par le groupe si celui-ci sait où il va. Le collaboratif n’est donc pas le simple co-working. Il ne s’agit pas de travailler dans la même pièce mais « pour » la même pièce, comme on le disait dans l’atelier d’antan.

Dans son livre Ensemble, le sociologue américain Richard Sennet prend justement ce modèle du workshop, avec sa petitesse (moins de dix personnes) pour mettre l’accent sur la symétrie et l’égalité qui s’instaurent ainsi. Les compétences diverses s’ajoutent les unes aux autres et transcendent les statuts, ouvrant de nouveaux liens inter-individuels.

Dans un ensemble artisanal, comme dans un ensemble musical, chaque instrument-outil a sa fonction spécifique. Chaque personne a sa place. Un corps social, solidaire, se forme sur une communauté de destin. On peut travailler seul, mais on ne collabore qu’avec d’autres.

Signé : Mariette Darrigrand

Mariette Darrigrand

Mariette Darrigrand est sémiologue et dirige le cabinet Des Faits et Signes, spécialisé dans l’analyse du discours médiatique. Blogueuse et chroniqueuse (France Culture, Le secret des sources), elle intervient régulièrement dans les médias. Elle est chargée de cours à Paris 13 (sémiologie du livre).